J’aimerais partager avec vous mes réflexions sur un film récent : « Les enfants des autres », de Rebecca Zlotowsky, qui fait écho à des contenus fréquents dans les séances de thérapie de couple et de sexologie. Si la thématique des familles recomposées est souvent illustrée dans les medias, oscillant entre une joyeuse représentation idéalisée et une caricature des différents rôles, elle trouve ici une mise en images d’une grande subtilité, remaniant la figure de la belle-mère, incarnée. Le film narre l’histoire d’une rencontre entre un homme séparé, père d’une petite fille de 4 ans et une enseignante d’une quarantaine d’années, sans enfants , très investie dans son travail. Un coup de foudre les emporte dans une danse fusionnelle joliment imagée ; puis le récit déploie l’immense complexité du vécu d’un couple, quand l’amante du début de la rencontre doit se conjuguer progressivement avec le rôle de belle-mère d’une enfant, rappel constant de l’existence de l’autre famille, la vraie. L’héroïne se questionne sur sa place, les limites de son attachement, sa légitimité de « parent » et l’ambivalence de son désir d’enfant se trouve réactivée au fil du lien affectif qui se tisse entre elles.
En assistant aux attaques successives que leur histoire porte à ce couple très amoureux, je ne pouvais m’empêcher de me questionner : à quel moment de ce lent processus d’éloignement du couple, une consultation aurait-elle pu les aider à prendre conscience de ce qui était en train de se passer, à mettre des mots sur leurs vécus respectifs, pour peut-être en modifier l’issue ?
Quel élément déclencheur aurait pu inciter l’un ou l’autre ou les deux ensemble à demander de l’aide ? Au moment classique où les ébats du couple ont été interrompus par un réveil de la fillette ? A la prise de conscience de ce sentiment souvent entendu en séance : « quand nous sommes chez lui/chez elle, et que ses enfants sont présents, je n’arrive pas à avoir du désir, à oser m’abandonner » ? Quand l’anniversaire de la petite fille se passe chez les grands-parents maternels, sans elle ? Le vécu en famille recomposée remanie avec force les questions de places, de rôles, d’espaces, de générations, réactivant parfois des anciennes blessures. Souvent, un temps de prise de distance, de partages avec un thérapeute permet de mieux pouvoir se positionner, clarifier ses attentes, replacer au centre le couple, lien originel et initiateur de cette nouvelle famille.
Anne-Sylvie Repond Monnier, thérapeute de couple et sexologue